Quand la musique devient thérapie

RÉCONFORTANTE, APAISANTE, EUPHORISANTE...LA MUSIQUE A D'ÉTONNANTS POUVOIRS POUR ACCOMPAGNER UN ÊTRE HUMAIN À TRAVERS LES HAUTS ET LES BAS DE SA VIE – ET CE, DÈS LA NAISSANCE. CHEZ LES BÉBÉS AUX PROFILS DIFFÉRENTS ET AUX BESOINS PARTICULIERS, C'EST ENCORE PLUS VRAI. Par Maude Goyer

Au bout d'un long processus d'adoption, Audrey et son conjoint ont eu le feu vert pour aller chercher leur petite Lily-Jade en Chine. C'était en 2016. Dès lors, la mère de 40 ans, originaire de Sherbrooke, a multiplié les consultations auprès de spécialistes. «Notre fille avait six mois, mais elle avait l'air d'un bébé de trois mois, confie la mère. Nous savions qu'elle avait certaines carences côté développement et nutrition, mais nous avions sous-estimé les carences affectives et les problèmes de sommeil...»

Afin de calmer «la petite tempête intérieure» de sa fille et pour consolider son lien d'attachement avec elle, Audrey s'est tournée vers la musicothérapie. «Au début, j'étais sceptique, avoue-t-elle. Mais nous avons participé à huit ateliers au centre communautaire de mon quartier et j'ai observé des changements chez Lily-Jade... Elle était plus calme et moins réactive, et si elle faisait une crise, elle revenait plus vite au calme.»

Que ce soit grâce à une berceuse ou à une mélodie aux sons doux et rythmés, les tout-petits réagissent positivement à la musique. S'ils ont un trouble déficitaire de l'attention avec ou sans hyperactivité, un trouble du spectre de l'autisme ou encore des retards de développement ou des difficultés socioaffectives, comme Lily-Jade, les bénéfices peuvent être immenses.

Faire face à la musique

Selon Joanne V. Loewy, directrice du Louis Armstrong Center for Music and Medicine du Beth Medical Center, à New York, la musicothérapie, lorsqu'elle est dirigée et encadrée par des professionnels, aide les bébés à récupérer de toutes sortes de traumatismes. «Leur environnement devient alors moins hostile, explique-t-elle. Leurs battements de coeur se stabilisent, leur anxiété diminue, les neurones et les synapses de leur cerveau s'activent. Chez les tout-petits, les études démontrent qu'à long terme la musicothérapie les aide à développer leur langage, à mieux se coordonner, à se concentrer et à s'exprimer davantage.»

Composée de six musicothérapeutes, l'équipe de Joanne Loewy a développé une approche appelée Song of Kin (ou «chanson de la parenté»). Il s'agit en fait d'aider les parents à choisir une chanson qui deviendra la berceuse de prédilection de la famille et de la chanter lentement, doucement, en synchronicité avec les signes vitaux de l'enfant. «Il y a une intention et ça crée un attachement, indique Joanne Loewy. La thérapie se fait souvent de peau à peau, de poitrine à poitrine. Les parents sont invités à observer la réaction de leur bébé.»

Trois éléments sont particulièrement importants dans ce type de thérapie: le rythme, la respiration et le choix de la berceuse. Celle-ci pourra être chantée avec ou sans paroles. «Au début des séances, je ne faisais que chantonner des mélodies sans paroles à Lily-Jade, confirme Audrey, car on m'avait dit que cela pouvait lui créer de la confusion, un peu comme si c'était trop d'informations à gérer pour elle d'un seul coup.»

Audrey a été étonnée de constater que la musicothérapie avait aussi un effet calmant sur elle-même et son conjoint. «On aurait dit que ça nous redonnait confiance en nos compétences parentales, mentionnet- elle, visiblement émue. On se disait: “OK, ça va bien aller, on est capable de surmonter tous les obstacles, ensemble”.»

Selon Joanne Loewy, la musicothérapie est une industrie grandissante auprès des enfants aux profils différents ou aux besoins intenses. Ses possibilités sont infinies et pas encore exploitées à leur plein potentiel. «Le but, au fond, c'est d'aider les familles à se rétablir, à guérir», note-t-elle.

Pour le petit clan d'Audrey, la musicothérapie a été une révélation. «Lily-Jade a aujourd'hui cinq ans et je lui chante encore très souvent les chansons et les comptines répétées durant nos séances. Je pense que nous avons toutes deux la mémoire, quelque part en nous, que ça nous a fait du bien et que ça nous a aidées.»